Cinq poèmes traduits en français

Textes de Moumen Samir, poète égyptien
Traduit de l’arabe par Atlas Hader
(1)
Assoupissement du bûcheron aveugle
Il était chagriné … Adam, notre père
Il s’est éveillé un jour,
S’est promené dans les pâtis
Puis il dit ô Dieu tu m’a crée ainsi
Grand
Et majestueux
Jamais je n’ai été enfant
Je ne me suis pas amusé à métamorphoser les crêpes en poupées
Je n’ai pas boxé contre l’air afin qu’il riposte avec fureur…
Mes pas ne m’ont pas conduit à ce village au delà du soleil
Afin que mon père s’inquiète de
Mon absence et que je sente qu’il m’aime plus que ses femmes et le jeu de cartes….
Tu me dois une enfance
Garde-la dans ton coffre
Et veuille m’en faire onction chaque fois que j’aurai peur de toi
Ou que tu m’accableras de ténèbres,
Laquelle s’accroît chaque fois que s’accroîssent les soupirs..
Dieu a enfin souri
Et s’est détourné au loin..
Il s’est promené dans les pâtis
Et dit si cela n’est pas une pure désinvolture
Je lui aurais confié mes chagrins
Et comment je me suis crée ainsi
Grand
Et majestueux
Sans égayement
Ni pioche qui scintille dans les ruisseaux
Grandissant à mesure que je grandis
Il n’y a pas d’assoupissement sous l’arbre lointain
Ni la magicienne descend
Et me tient du col
Afin que je m’envole…
Pour cela je t’adore effectivement
Et je m’enivre de tes actes insensés
Ô qui se plaint et se plaint
Puis il retourne se promener dans les pâtis
Tu prends un long souffle
Et tu chantes
À haute voix..
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(2)
Délectation optimale
Lorsque tu travailles sur un navire marchand
Où ton père t’avait mis au monde
Et tu montes dans l’une des barques,
Qui décharge les marchandises à terre..
Tu verras une belle fille
Et à force de privation
Tu crois en être amoureux..
Puis tu reviendras l’année suivante
Mourant de manque
Et tu verras une autre fille
Qu’à force de la délectation déjà vécue
Tu la prendras pour elle
Et ainsi de suite..
Quand tu auras atteint la soixantaine
Tu auras l’impression que les soixante filles
Se seront réincarnées en une
Qui mérite que tu lui racontes
Tes expériences intimes
Sans rater le moindre détail
Puis tu passeras avec elle
Une vieillesse tranquille….
Tu auras certainement
fait le tour du monde
Et tu auras goûté les délices de tout genre de femme
Et ton histoire conviendra pour un très beau film
Qui suscitra toujours l’engouement des marins
Dans les bars
Et après chaque projection
Ils sortiront sans doute
Avec une immense joie de vivre….
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(3)
Je tâte ma nuque
Mon intuition a dernièrement faibli. Je te sentais à deux pays.
Et quand je flairais l’odeur de mon père, je tâtais ma nuque.
Les chiens se volatilisaient lorsque mon ombre les mordait.
Et les fantômes passaient la nuit dans mes bras, les yeux écarquillés…
Mais à présent je me sens distant, faignant et ma lucidité éteinte.
Les enfants traversent le fleuve devant moi sans invocation ni même un regard
Et ma mère oublie chaque aube d’être vieille,
Tous mes souvenirs sont sortis sous mes yeux par la porte,
Et je reste affalé par terre
Comme si j’étais l’ombre d’un oiseau aveugle.
Je me prosternerai devant les faucons en haute altitude et j’offrirai des immolations pour que ma paume luise,
Je me précipiterai à côté du vent ouvrant les yeux aux orages pour que mon âme luise,
J’invoquerai la mort de laisser ton corps sous ma peau pour que mon sang luise,
Je creuserai aux lapidés un enfer de splendeur
Et je m’enorgeuillirai, chaque fois que je m’enliserai dans le gouffre,
Avec sagesse
Et contentement…
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(4)
“Les jardins des guerres”
Je creuse un fossé au salon
Et j’y jette les membres de mes enfants
Membre par member..
Un bruit d’avion s’approche..
Quoiqu’essouflé, je continue..
..C’est ainsi que la guerre
Nous apprend à nous réconcilier avec nos enfants
Et concerver au sein de nos cadavres carbonisés
Leur sens éternel du rire..
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(5)
Les rideaux
“Corbeau! Tu ne cesses de raviver ta gorge dans mon oreille depuis l’éternité
Je t’en supplie, seulement pour cette nuit, je désire dormer..”
Personne ne nous attend à l’intérieur
Pour faire des années une joie
Et la vaporiser comme le sel qui a irrité les yeux aux noces de l’enfant nubien.
Pour cela nous nous contenterons pour le moment
De ce flot de chagrins
Essayant avec ardeur de les apprivoiser
Autant que possible
De peur qu’ils nous abandonnent eux aussi
Et nous laissent seuls complètement..
Et lorsque nous ne nous trouvons que la mort devant nous
-ce qui est fort probable-
Nous nous en délecterons avec un plaisir pur
Et l’allècherons espièglement
Afin qu’elle nous donnent de l’affection qui nous manque depuis longtemps..
Ou même nous guide à un rire négligé
Dans un coin délabré à côté des souvenirs..
Personne ne nous attend à l’intérieur
Pour cela nous créerons des gens
Qui nous ressemblent parfaitement ,
Et nous deviendrons des génies
À dessiner entre eux des amitiés
Qui vivront
.. Longtemps
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((1
“إغفاءَةُ الحَطَّابِ الأعمى”
كانَ حزيناً.. أبونا آدم
صحا يوماً
وتمشى في المراعي
وقال يا رب خلقتني هكذا
كبيراً
ومهيباً
لم أكن طفلاً أبداً
لم أَلْهُ بالفطائرِ التي تصيرُ عرائسَ
ولم أُلاكم الهواءَ فيرد الضربةَ وهو غضبان ..
لم تَقُدْنِي أقدامي للقريةِ الأبعد من الشمس
فيفزعَ أبي لغيابي وأشمَّ كيف أنهُ يحبني
أكثرَ من نسائِهِ ولعبِ الورق……
لي عندك طفولةٌ
فاحفظها في خزانَتِكَ
وامسحني بها كلما خِفْتُ منكَ
أو سلَّطتَ عَليَّ الظُلْمَةَ
تتسعُ كلما اتسعَ الشهيق….
ابتسمَ الربُ أخيراً
وأشاحَ بعيداً..
تمشى في المراعي
وقال لولا أنه لا يليق
لأسررتُ لهُ بحزني
وكيف خلقتُ نفسي هكذا
كبيراً
ومهيباً
لا سباحةَ في الضحكِ
ولا فأسَ تلمعُ في الجداولِ
وتكبر كلما أكبر…
لا إغفاءةَ تحتَ الشجرةِ البعيدةِ
ولا الساحرةُ تهبطُ
وتمسكُ بي من ياقتي
وأطير…
لهذا أحبكَ فعلاً
وأنتشي لأفعالك الخرقاء
يا من تشكو وتشكو
وتعود تمشي في المراعي
تشدُ نَفَسَاً عميقاً
وتغني
بصوتٍ عالٍ…
(2)
“غاية النشوة”
عندما تعمل في سفينةٍ تجارية
أنجبك أبوك فوقها
وتركب أحد الصنادل
التي تحمل البضائع إلي البر ..
تري بنتاً جميلة
لفرط حرمانك
تظن أنك أحببتها ..
ثم تعود العام التالي
والحنين يكاد يقتلك
وتري بنتاً أخري
لفرط استمتاعك بالحالة
تظن أنها هي
وهكذا و هكذا…
عندما تبلغ الستين
تحس أن الستين بنتاً
وقد تجمعوا في واحدة
هي من تستحق أن تحكي لها
كل التجارب المخزونة
دون أن تغفل أي تفاصيل
ثم تقضي معها
شيخوخة هانئة……
تكون حقاً
قد درت حول هذا العالم
وتكون قد تذوقت كل أنواع النساء
وقصتك تصلح لتكون فيلماً مشهوراً
يطلبه البحارة دائماً
في الحانات
ليقوموا بعده
وقد أحبوا الحياةَ
حقاً…
((3
“أتحسَّسُ عنقي”
ضَعُفَ حَدْسي مؤخراً، كنتُ أُحِسُّ بكِ على بُعْدِ بَلديْن
وكنت أَشُمُّ ريحَ أبي فأتحسَّسُ عنقي.
كانت الكلاب تطيرُ عندما يعضها ظلي،
والأشباح تبيتُ في حضني وعيونها مفتوحة…
لكني بعيدٌ هذه الأيام ، خاملٌ وبصيرتي منطفئة.
الأولاد يعبرونَ النهرَ أمامي بلا دعاءٍ ولا حتى نظرة
وأمي تنسى كل فجرٍ أن تصير عجوزاً.
ذكرياتي كلها خرجت أمامي من الباب، وأنا مقعيٌّ
كأني ظلُّ طائرٍ أعمى.
سأركعُ للصقورِ في الأعالِ وأنحرُ الذبائحَ، لتلمعَ كفي
سأتدحرجُ جنب الريح وأفتحُ عيني في العاصفةِ، لتلمعَ روحي
سأبتهلُ للموتِ أن يفوتَ جسدكِ تحتَ جِلْدي، لتلمعَ دمائي
سأحفرُ للمرجومينَ جحيماً بهياً
وأهزُّ رأسي كلما عَلقْتُ بالبئرِ
بحكمةٍ
و رضا…
(4)
“حدائقُ الحروب”
أَحْفُرُ أُخدوداً في صالةِ المنزلِ
وأُلقي أعضاءَ أطفالي
عضواً عضواً ..
صوت الطائرة يقترب ..
ألهثُ لكني لا أتوقف ..
.. وهكذا تتيحُ الحربُ لنا
أن نُصلِحَ علاقتنا بأولادنا
ونحتفظ في حضنِ
جثثنا المحترقة ،
بفمهم الذي يضحك
للأبد ..
(5)
“الستائر”
“أيها الغراب الذي يبعث حنجرته
في أذني منذ الأزل-
أتوسل إليكَ، الليلةَ فقط
أريد أن أنام…”
لا أحد بانتظارنا في الداخل
كي يصنع بهجةً من السنين
ويرشها مثل الملح الذي آلم العيون
في عرس الولد النوبيِّ.
لهذا سوف نكتفي إلى حين
بكل ذلك الفيض من الأحزان
و نحاول بكل همة، أن نروضها
كلما كان ذلك ممكناً
حتى لا ترحل هي الأخرى
فنصير وحيدين تماماً..
و عندما لن نجد أمامنا سوى الموت
– و ذلك الاحتمال الأكبر-
سنستعذبهُ ، بمتعةٍ صافية
ونستميله إلينا، بمكرٍ
ليمنحنا عطفاً، قد افتقدناهُ
منذ وقت بعيد..
أو حتى يدلنا على ضحكةٍ
كانت مهملةً في ركن خرب
بجوار الذكريات..
لا أحد في انتظارنا بالداخل
لذلك سوف نصنع أناساً
يشبهوننا تماماً،
ونصير عباقرةً
في رسم صداقات بينهم
سوف تعيش
طويلاً..