
Mohamed Rabie Hammad Poète, écrivain et chercheur en critique arabe moderne. Lauréat de nombreux prix littéraires. Auteur d’ouvrages de poésie arabe classique et de récits. A participé à de nombreuses interviews et émissions médiatiques. Ses écrits littéraires et critiques ont été publiés dans divers sites et magazines culturels arabes.
Traduit par Thiziri Rabah

le poème
Mes Ennemis Sont Parfaits, Ô Dieu
Mes ennemis sont parfaits, ô Dieu,
merveilleux dans leur simulacre.
Leurs livres regorgent de paroles mystiques,
de visions sacrées et de lueurs d’éternité.
L’homme du peuple les contemple,
et croit qu’ils marchent à Tes côtés,
gardant la vertu parmi les foules,
étrangers aux guerres souterraines,
innocents des meurtres invisibles de l’âme,
quand les désirs se heurtent et que les royaumes s’effondrent.
Ils m’accueillent d’un sourire tiède,
et jamais n’ont appris l’art perfide
de semer le doute dans la chair de mon cœur.
Mes ennemis sont doux comme de jeunes agneaux,
leurs mains s’unissent à des cœurs sans masque.
Ils ignorent les jeux de la feinte,
ne foulent point la scène des illusions humaines.
De leurs lèvres coule un miel trompeur ;
jamais ils ne lancent la pierre du mensonge,
jamais ne laissent échapper le souffle d’une malédiction.
Ils planent au-dessus de la boue des injures et du mépris,
et ne me montrent que l’éclat de leurs âmes,
cachant l’abîme obscur qui les ronge en silence.
Mes ennemis sont sages à l’excès,
leurs esprits gonflés de mille volumes.
Ils éclairent les tribunes de leurs discours enflammés,
dénonçant les chaînes froides de la tyrannie.
Ils se battent contre les idées
avec des raisons aiguisées comme l’épée
leurs voix résonnent du clairon de la liberté.
Ils crient justice pour les faibles,
et tendresse même pour les bêtes des champs.
Par leur regard tranchant, ils séparent le vrai du faux,
et devinent toujours la tempête secrète de mon cœur.
Mes ennemis sont forts d’eux-mêmes.
Nulle tempête ne les ébranle,
nul remords ne les fracture.
Ils n’ont pour alliés ni princes, ni gardiens de la loi.
Ils se retirent derrière des murs de pierre,
et jamais ne libèrent leur venin entier
contre la vulnérable fragilité de mon être.
Mes ennemis sont humbles jusqu’à disparaître.
Ils ne se battent point pour la lumière trompeuse de la gloire,
ni ne façonnent l’idole de leur visage pour la flatterie du monde.
Dans leur simplicité, ils ne goûtent ni festins lointains,
ni fumées mensongères pour apaiser leur colère.
Ils se détournent des ors criards de la terre,
satisfaits de la parcelle que le destin leur a donnée.
Ils ne jouent pas le jeu des âmes masquées,
ni ne tirent les rideaux épais
pour cacher leurs desseins à mes yeux.
Mes ennemis sont des anges aux ailes de paroles.
Ils emplissent l’infini de Tes cieux, ô Dieu.
À l’aube, ils s’élèvent en prophètes,
au crépuscule, ils reviennent en veilleurs sévères.
Ils mènent leur noble croisade
contre les âmes viles et les âmes avides,
contre l’extorqueur et le calomniateur des justes.
Non, ils ne sont point de simples spectres,
mais ils m’ont laissé pour héritage des ombres mouvantes,
et m’ont arraché jusqu’au trône de poussière
où je pouvais encore reposer



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