
Ahmed Omar Mohammed Balhmar est un poète et écrivain émirati. Il a publié plusieurs ouvrages de poésie et de prose, dont certains ont été traduits en anglais. Il a également écrit pour des journaux arabes et internationaux, en plus de ses activités bénévoles et des prix artistiques qu’il a reçus.
traduit par Thiziri Rabah

Désir
Le temps s’écoule, pressé et agité
Je m’assieds, puis me lève, m’assieds encore.
Je joue avec les pages, me perds dans les livres, et pourtant les heures s’écrasent dans un arrêt soudain et lourd.
De ce silence, les ailes du désir se déploient, et l’attente sculpte son silence profondément en moi.
Alors je me souviens ta voix ne me parviendra pas aujourd’hui Peut-être pas demain non plus.
11
Sol
1
Je regarde le sol parfois avec peur,
parfois avec une douce douleur de désir.
Mes doigts parcourent ses collines délicates,
ses grains glissent doucement entre mes paumes une sereine reddition, un murmure du sol.
Si ce n’étaient ceux qui m’entourent, je pourrais poser mon front dessus, goûter un fragment de son histoire.
Mais pourquoi pas ? Car je suis sol et un jour, je retournerai au sol.
2
Le désespoir et la lassitude m’ont conduit ici.
Peut-être aussi un désir de proximité alors quand je penche la tête, pose mon front sur le sol, cela ressemble à un souvenir ancien.
12
Cela me rappelle lui
car lui aussi est né de ces petits grains.
Et quand je relève la tête, certains restent sur mon visage comme une vérité silencieuse que je ne peux pas effacer.
13
J’écrivais
1
J’écrivais pour toi, et le monde
entier en était témoin. tous
Aujourd’hui, j’écris pour moi-même,
et le monde continue de regarder.
Et j’écris toujours…
2
Mes lettres peinaient à atteindre leur but,
tandis que certaines filaient avec la force des lions,
arrivant sans effort,
trouvant leur place douce
près du plus petit point,
après avoir percé les espaces entre elles,
et rejoignant toutes les autres marques de mes mots…
14
Mon Perdu
J’ensevelirai ce qu’il reste d’amour,
j’élèverai pour lui un sanctuaire secret
dans un lieu que nulle âme ne saura
sauf la mienne.
J’irai visiter mon défunt,
me tiendrai devant lui en silence solennel,
dresserai une stèle de mémoire,
puis partirai.
Je m’éloigne, mais je me retourne encore,
de peur d’oublier la terre où il repose,
m’attachant à l’espoir fragile
d’un retour éphémère.
Mais mon perdu ne changera pas
il fera ce qu’il veut.
À présent il est libre,
délivré des chaînes de ma garde,
de la prison de mon étreinte,
parti vers son monde vaste et inexploré.
L’éternité n’appartient qu’à lui
tout le reste
s’efface, se dissout, disparaît.
15
La Séparation
Ce moment,
ce lieu où l’adieu s’est fait sentir
là où je semais mes émotions,
sur ma rue familière :
trottoirs rouges sous mes pas,
réverbères immobiles veillant,
et le sol,
sol accumulé ici et là,
témoin silencieux.
Je me suis incliné devant tout cela,
ne comptant que sur moi-même.
La tempête en moi
réclamait sa libération.
Alors je l’ai confiée
à la rue, aux pierres, au sol.
Ils sont mes compagnons désormais
jamais je ne trouverai
Jamais plus fidèles qu’eux
16
Je me suis prosterné sur ce trottoir,
remerciant Dieu pour ses bienfaits et ses épreuves.
Ces grains ne m’abandonnèrent pas si aisément
quand je me redressai,
ils demeuraient sur mon front,
comme des mains invisibles
me berçant, me consolant.
Je ne les enlevés pas,
je les laissai s’attarder,
fidèles témoins de mon silence.
17
Mes Amis
Comment allez-vous aujourd’hui ?
Mon ami, la rue droite,
mon ami, le trottoir fidèle,
mon ami, le réverbère lumineux
je sais, vous vous lassez de mes plaintes infinies.
De l’aridité de mon âme,
échangons nos rôles
je vous écouterai,
vous exprimerez votre peine
je ne vous interromprai pas.
Prenez votre part aujourd’hui
pour votre patience, le monde vous récompensera.
Je sais, je n’ai offensé personne,
surtout toi, Ô Lumière,
je n’ai pas détourné mon attention délibérément
du fidèle et du droit
et pourtant ma proximité avec eux,
et mes plaintes, demeurent
comme des ombres murmurées
entre nous.
18
J’ai besoin d’un vaste refuge, d’un câlin
d’une étreinte qui me touche et m’enveloppe,
d’un proche qui essuie mes doutes
et les rende légers.
Mes poids, mes fardeaux
me rappellent de le faire,
si jamais j’oublie
pour relever la tête,
échanger les regards.
19
Infini
Suis-je le seul virtuose
dans l’art sacré des nombres ?
Dans l’addition, la soustraction,
la division, la multiplication
qui, comme moi, tisse les heures
les unes dans les autres,
les jours qui se replient sur eux-mêmes ?
Je me tiens là,
mon art vacille,
mes dons s’éteignent aux derniers jours.
Quand les heures débordent vingt-quatre,
glissent dans le jour suivant,
je sens l’angoisse
comme un fleuve qui brise ses digues.
Je ne souhaite pas atteindre
le dernier chiffre du mois,
trop lourd, trop brûlant,
au-delà de ce que mes mains peuvent compter,
de ce que mon esprit peut porter.
20
Et si je l’atteignais,
je renommerais ce nombre,
je lui donnerais un souffle,
un nom digne de la brûlure,
de la peine et du feu
que le calcul a laissé
sur mes jours étirés et fuyants.
Et si je l’atteignais,
je rebaptiserais ce nombre,
je lui offrirais un nom nouveau,
un souffle capable d’équilibrer
la brûlure et la douleur
que le comptage a gravées
dans ces jours ardents.
Ou peut-être abandonnerais-je le calcul,
laisserais les chiffres glisser,
et recommencerais encore et encore,
comme un fleuve qui renaît à chaque aube,
à chaque nouveau courant…
à chaque frémissement…
à chaque fois…
21
Délivrance
Mes émotions se pressent,
elles veulent jaillir de ma chair,
s’amassent aux portes de mon corps,
se heurtent, s’entrechoquent,
un duel silencieux pour savoir
qui s’élancera en premier—
de mes yeux,
de mes doigts,
de mes mains,
de mes pas.
Tout s’échappera.
Patience… un souffle encore.
J’ai tenu bon,
près d’une année j’ai tissé vos énergies,
je vous ai gardées comme on retient des étoiles,
pour un jour choisi,
pour un instant où vous pourrez enfin s’élancer.
Chaque frémissement, chaque battement,
est un ruisseau secret
dans le lit de mon corps,
prêt à devenir fleuve,
à déborder sur le monde.
22
Avec douceur et un amour profond,
je sais que cette explosion retentissante
vous a effrayés,
vous a précipités, pressés vers la sortie.
Tout jaillira en son temps,
et chacun s’élancera selon sa propre forme,
selon son rythme, sa couleur, sa nature.
23
Fuite
Quel remède pourrait réveiller la sensation,
redonner vie aux cinq doigts de ma main ?
Je ne sens plus la chaleur
lorsque ma peau effleure celle d’un autre,
ou quand ma paume se referme dans une poignée de main.
Comme si le courant s’était éteint,
comme si les fils reliant mon cœur à mes doigts
avaient été tranchés,
ne laissant que le silence
là où jadis les étincelles dansaient.
Ce courant qui autrefois poussait mon cœur à battre plus fort,
qui faisait frissonner ma peau,
qui m’enveloppait de sérénité
s’est évanoui,
me laissant chercher à tâtons
un pouls qui n’existe plus.
24
Point
Je t’ai toujours offert des virgules,
et pourtant tu insistes pour y placer des points.
J’ajoute des parenthèses,
je change leur forme,
je renverse leur trône,
et toi, tu reviens encore,
déposant ce point,
ce point unique…
suivi d’un nouveau paragraphe.
25
Mesure
La balance de l’amour n’est ni classique,
ni ordinaire
elle est dépourvue de ses plateaux.
Tu ne recevras pas parce que tu as donné,
et tu ne donneras pas seulement parce que tu as reçu.
Tu donneras,
et tu prendras,
et tu prendras encore,
et tu donneras,
tu donneras,
tu donneras
sans poids,
sans mesure,
sans mètre étalon.
26
Coïncidence
Chaque fois que je te dis quelque chose,
j’ai l’étrange impression
de l’avoir déjà dit auparavant
Je me souviens soudain
je l’avais confié à moi-même,
encore et encore,
bien avant de te le murmurer.



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