11 poèmes d’Ahmed Balhmar

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Thiziri Rabah Traductrice professionnelle maîtrisant les langues : arabe, anglais, français et espagnol. Expérience dans la traduction de textes littéraires, académiques et commerciaux, avec un accent sur la précision et le style. Passionnée par la fourniture de traductions qui préservent le sens et le ton originaux du texte.

Désir

Le temps s’écoule, pressé et agité

Je m’assieds, puis me lève, m’assieds encore.

Je joue avec les pages, me perds dans les livres, et pourtant les heures s’écrasent dans un arrêt soudain et lourd.

De ce silence, les ailes du désir se déploient, et l’attente sculpte son silence profondément en moi.

Alors je me souviens ta voix ne me parviendra pas aujourd’hui Peut-être pas demain non plus.

11

Sol

1

Je regarde le sol parfois avec peur,

parfois avec une douce douleur de désir.

Mes doigts parcourent ses collines délicates,

ses grains glissent doucement entre mes paumes une sereine reddition, un murmure du sol.

Si ce n’étaient ceux qui m’entourent, je pourrais poser mon front dessus, goûter un fragment de son histoire.

Mais pourquoi pas ? Car je suis sol et un jour, je retournerai au sol.

2

Le désespoir et la lassitude m’ont conduit ici.

Peut-être aussi un désir de proximité alors quand je penche la tête, pose mon front sur le sol, cela ressemble à un souvenir ancien.

12

Cela me rappelle lui

car lui aussi est né de ces petits grains.

Et quand je relève la tête, certains restent sur mon visage comme une vérité silencieuse que je ne peux pas effacer.

13

J’écrivais

1

J’écrivais pour toi, et le monde

entier en était témoin. tous

Aujourd’hui, j’écris pour moi-même,

et le monde continue de regarder.

Et j’écris toujours…

2

Mes lettres peinaient à atteindre leur but,

tandis que certaines filaient avec la force des lions,

arrivant sans effort,

trouvant leur place douce

près du plus petit point,

après avoir percé les espaces entre elles,

et rejoignant toutes les autres marques de mes mots…

14

Mon Perdu

J’ensevelirai ce qu’il reste d’amour,

j’élèverai pour lui un sanctuaire secret

dans un lieu que nulle âme ne saura

sauf la mienne.

J’irai visiter mon défunt,

me tiendrai devant lui en silence solennel,

dresserai une stèle de mémoire,

puis partirai.

Je m’éloigne, mais je me retourne encore,

de peur d’oublier la terre où il repose,

m’attachant à l’espoir fragile

d’un retour éphémère.

Mais mon perdu ne changera pas

il fera ce qu’il veut.

À présent il est libre,

délivré des chaînes de ma garde,

de la prison de mon étreinte,

parti vers son monde vaste et inexploré.

L’éternité n’appartient qu’à lui

tout le reste

s’efface, se dissout, disparaît.

15

La Séparation

Ce moment,

ce lieu où l’adieu s’est fait sentir

là où je semais mes émotions,

sur ma rue familière :

trottoirs rouges sous mes pas,

réverbères immobiles veillant,

et le sol,

sol accumulé ici et là,

témoin silencieux.

Je me suis incliné devant tout cela,

ne comptant que sur moi-même.

La tempête en moi

réclamait sa libération.

Alors je l’ai confiée

à la rue, aux pierres, au sol.

Ils sont mes compagnons désormais

jamais je ne trouverai

Jamais plus fidèles qu’eux   

16

Je me suis prosterné sur ce trottoir,

remerciant Dieu pour ses bienfaits et ses épreuves.

Ces grains ne m’abandonnèrent pas si aisément

quand je me redressai,

ils demeuraient sur mon front,

comme des mains invisibles

me berçant, me consolant.

Je ne les enlevés pas,

je les laissai s’attarder,

fidèles témoins de mon silence.

17

Mes Amis

Comment allez-vous aujourd’hui ?

Mon ami, la rue droite,

mon ami, le trottoir fidèle,

mon ami, le réverbère lumineux

je sais, vous vous lassez de mes plaintes infinies.

De l’aridité de mon âme,

échangons nos rôles

je vous écouterai,

vous exprimerez votre peine

je ne vous interromprai pas.

Prenez votre part aujourd’hui

pour votre patience, le monde vous récompensera.

Je sais, je n’ai offensé personne,

surtout toi, Ô Lumière,

je n’ai pas détourné mon attention délibérément

du fidèle et du droit

et pourtant ma proximité avec eux,

et mes plaintes, demeurent

comme des ombres murmurées

entre nous.

18

J’ai besoin d’un vaste refuge, d’un câlin

d’une étreinte qui me touche et m’enveloppe,

d’un proche qui essuie mes doutes

et les rende légers.

Mes poids, mes fardeaux

me rappellent de le faire,

si jamais j’oublie

pour relever la tête,

échanger les regards.

19

Infini

Suis-je le seul virtuose

dans l’art sacré des nombres ?

Dans l’addition, la soustraction,

la division, la multiplication

qui, comme moi, tisse les heures

les unes dans les autres,

les jours qui se replient sur eux-mêmes ?

Je me tiens là,

mon art vacille,

mes dons s’éteignent aux derniers jours.

Quand les heures débordent vingt-quatre,

glissent dans le jour suivant,

je sens l’angoisse

comme un fleuve qui brise ses digues.

Je ne souhaite pas atteindre

le dernier chiffre du mois,

trop lourd, trop brûlant,

au-delà de ce que mes mains peuvent compter,

de ce que mon esprit peut porter.

20

Et si je l’atteignais,

je renommerais ce nombre,

je lui donnerais un souffle,

un nom digne de la brûlure,

de la peine et du feu

que le calcul a laissé

sur mes jours étirés et fuyants.

Et si je l’atteignais,

je rebaptiserais ce nombre,

je lui offrirais un nom nouveau,

un souffle capable d’équilibrer

la brûlure et la douleur

que le comptage a gravées

dans ces jours ardents.

Ou peut-être abandonnerais-je le calcul,

laisserais les chiffres glisser,

et recommencerais encore et encore,

comme un fleuve qui renaît à chaque aube,

à chaque nouveau courant…

à chaque frémissement…

à chaque fois…

21

Délivrance

Mes émotions se pressent,

elles veulent jaillir de ma chair,

s’amassent aux portes de mon corps,

se heurtent, s’entrechoquent,

un duel silencieux pour savoir

qui s’élancera en premier—

de mes yeux,

de mes doigts,

de mes mains,

de mes pas.

Tout s’échappera.

Patience… un souffle encore.

J’ai tenu bon,

près d’une année j’ai tissé vos énergies,

je vous ai gardées comme on retient des étoiles,

pour un jour choisi,

pour un instant où vous pourrez enfin s’élancer.

Chaque frémissement, chaque battement,

est un ruisseau secret

dans le lit de mon corps,

prêt à devenir fleuve,

à déborder sur le monde.

22

Avec douceur et un amour profond,

je sais que cette explosion retentissante

vous a effrayés,

vous a précipités, pressés vers la sortie.

Tout jaillira en son temps,

et chacun s’élancera selon sa propre forme,

selon son rythme, sa couleur, sa nature.

23

Fuite

Quel remède pourrait réveiller la sensation,

redonner vie aux cinq doigts de ma main ?

Je ne sens plus la chaleur

lorsque ma peau effleure celle d’un autre,

ou quand ma paume se referme dans une poignée de main.

Comme si le courant s’était éteint,

comme si les fils reliant mon cœur à mes doigts

avaient été tranchés,

ne laissant que le silence

là où jadis les étincelles dansaient.

Ce courant qui autrefois poussait mon cœur à battre plus fort,

qui faisait frissonner ma peau,

qui m’enveloppait de sérénité

s’est évanoui,

me laissant chercher à tâtons

un pouls qui n’existe plus.

24

Point

Je t’ai toujours offert des virgules,

et pourtant tu insistes pour y placer des points.

J’ajoute des parenthèses,

je change leur forme,

je renverse leur trône,

et toi, tu reviens encore,

déposant ce point,

ce point unique…

suivi d’un nouveau paragraphe.

25

Mesure

La balance de l’amour n’est ni classique,

ni ordinaire

elle est dépourvue de ses plateaux.

Tu ne recevras pas parce que tu as donné,

et tu ne donneras pas seulement parce que tu as reçu.

Tu donneras,

et tu prendras,

et tu prendras encore,

et tu donneras,

tu donneras,

tu donneras

sans poids,

sans mesure,

sans mètre étalon.

26

Coïncidence

Chaque fois que je te dis quelque chose,

j’ai l’étrange impression

de l’avoir déjà dit auparavant

Je me souviens soudain

je l’avais confié à moi-même,

encore et encore,

bien avant de te le murmurer.

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