« Cher André Breton,
J’écris ces lignes en humeur et sans dépit. La décision de quitter un
groupe dont on croit n’avoir pas démérité et auquel vous attachent douze années d’activités communes, n’est pas de celles qui se prennent d’un cœur joyeux. Je précise tout de suite que je ne me trouve pas en désaccord avec les positions essentielles du surréalisme, que les noms dont il a balisé sa route (Chazal excepté)
me sont d’un secours constant, et qu’enfin ses lignes de recherches restent à mon sens des plus entraînantes…
En vérité, n’êtes-vous pas frappé de constater que ce qui a
maintenu le surréalisme depuis la fin de la guerre, ce sont des actes et des œuvres individuelles, tandis que tout ce qui tendait à l’expression collective aboutissait au plus cruel échec, quand il ne minait pas l’édifice patiemment élevé ? Je ne connais pour donner la température du surréalisme comme rien d’autre, de 1946 à 1948,
que les expositions de Brauner, de Matta et Hérold. Libre à vous d’ignorer ces vérités pratiques et de céder au besoin panique de nouveauté qui ne saurait, en l’étape actuelle du surréalisme où il importe de procéder à un reclassement et une condensation de ses valeurs conductrices, mener qu’à des innovations de bazar…




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